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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/36

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VISIONS DE L’INDE

forme de l’Horreur. Les yeux des femmes hindoues, surtout, m’émurent. C’était, entre les margelles des paupières, des puits étroits de résignation infinie. Toute la bonté de l’Inde, qui sait aussi respecter la vie jusqu’à l’extrême scrupule, m’apparaissait dans ces yeux d’accablement et de douleur. Je pardonnai le rite sanglant, les supplications et les baisers à l’idole obscène. Je compris pourquoi Kali, l’égorgeuse, est appelée aussi la Mère Bienfaisante. Devant le lingham de Shiva, symbole de la force et de la fécondité, les seins gonflés des mères et les lèvres des épouses se penchent pour un culte abominable et naïf. Mais le dieu, à son tour, s’incline devant celle qui repose et adore celle qui nourrit… Ces vieilles religions naturalistes cachent dans leurs fumiers des perles incomparables.


Nous voici de retour vers nos demeures. Le boy hindou, sous prétexte de pourboire à donner, achève de vider nos poches de monnaies dont les plus importantes, je l’ai vu, lui sont restées… Notre ahurissement n’est pas terminé. Nous avons encore nos guirlandes, au front noire tache de vermillon, d’autres taches rouges à nos vêtements… Les femmes frissonnent ; est-ce du souvenir, est-ce de la nuit tombée maintenant, et là-bas, à Kalighat, se continuant, orgiaque ? Quand nous rentrons dans