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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/368

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VISIONS DE L’INDE

mer la théorie des milieux de M. Taine, il ressemble étrangement à un serpent, lui qui vit d’eux.

Son parler (il ne sait pas un traître mot d’anglais) est une sorte de sifflement entre ses dents minces ; l’œil est noyé de jaune, le crâne aplati, à peu près ras, avec une seule mèche allongée jusque dans le dos et qui y saute comme une vipère noire. Un chapelet à grains énormes s’enroule autour de sa taille souple et bougeante, et il fait de ses jambes ce qu’il veut ; elles sont pareilles à des couleuvres qui se tournent, s’enroulent, se déroulent à volonté.

Il me salue très bas, en portant la main à son front, où est teint le trident écarlate de Shiva ; et quand il se relève, il a le mouvement même du cobra qui se dresse pour frapper.

De son panier, il sort sa flûte et se promène dans ma chambre à pas veloutés, en jouant un air bizarre, qui ne ressemble à rien de connu et que l’on dirait composé avec la plainte monotone d’une femme et les bruits complexes de la forêt.

— Ecartez-vous, Sâb, me dit Rozian. Le serpent va venir, attiré par la flûte.

Le serpent se méfie sans doute ; rien n’apparaît encore. Si je n’avais pas à conserver auprès de ces noirs mon prestige d’Européen, je m’en irais volontiers dans le jardin… Cependant la curiosité et l’amour-propre l’emportent. Je reste.