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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/369

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VISIONS DE L’INDE

Le « snakeman » s’obstine à jouer son air bizarre, qui finit par me donner un certain malaise. Ses pas veloutés quittent maintenant les alentours de mon lit. Il se dirige dans le cabinet de toilette, le corps un peu baissé, les yeux avides, à la recherche de la bête.

Nous le suivons et, tout à coup, à ma plus vive surprise, un des pieds de la table, où mes éponges sont placées, prend vie. Une tête petite, jaune, se dresse avec un fil dédoublé qui tremble entre les dents pareilles à de grosses têtes d’aiguilles rainées.

C’est le cobra, c’est bien lui. Je le regarde comme une chose précieuse, subtile, dangereuse, mais unique, et que sans doute je ne reverrai jamais plus en liberté.

Il s’était donc réfugié là, effrayé par ma lampe ; et, toutes mes ablutions, je les avais accomplies devant lui ; je m’étais appuyé à cette table, j’y avais posé les cruches fraîches. Nu, je m’étais offert à l’ennemi, sans le voir… De nouveau, je bénis la destinée qui m’a sauvé de cet affreux péril, au-devant duquel j’allais, inconscient comme un enfant.

Maintenant, d’ailleurs, j’oublie le danger pour jouir du spectacle. Le cobra, sous le rythme du charmeur, se déroule comme un ruban tiré par une main invisible. Les yeux du « snakeman », noyés et éteints auparavant, s’embrasent ; et il hypnotise la