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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/370

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VISIONS DE L’INDE

bête, en imite avec son cou qui se gonfle les oscillations, recule, l’entraînant vers lui par la force du regard, par l’influence de sa musique barbare.

Le cobra a quitté le pied du meuble. Il est petit, jaunâtre, tirant sur le noir, tout tigré d’écaillés imbriquées. Certainement une bête de luxe et de proie, noble et cruelle, d’une démarche royale. Elle se tient debout, de la moitié de sa taille sur le reste de son corps enroulé, elle s’avance lentement, fière ; la peau de son cou d’un jaune ardent s’ouvre comme une corolle d’orchidée, ou comme les volets d’une châsse ; des taches formant des lunettes roses achèvent la beauté terrible du petit animal.

Le voici à portée de la main du charmeur qui, lente et sûre, s’abat sur la tête plate. Les quatre doigts sombres étreignent, sans craindre les morsures, le cou gonflé ; et le pouce appuie sur le cervelet, crée une catalepsie subite. Le serpent est désarmé, roide ; la flûte se tait, mais le panier bâille. D’un mouvement preste, l’Hindou a fait disparaître dans sa prison de jonc le cobra hypnotisé.


Décidément, je ne regrette pas les émotions de cette nuit. Elles m’ont valu cette scène de fascination… Rozian et l’Hindou s’éloignent, et je les entends discuter à voix basse ; ils se partagent mon argent, — leur butin.