Aller au contenu

Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/429

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
415
VISIONS DE L’INDE

reste seul, oui, seul encore… Je fais mon examen de conscience. L’Inde m’a éclairé sur moi-même. Ses erreurs m’ont fait toucher mes erreurs. Je me sens, avec cette contrée mystique, inquiète, indolente, désolée, des affinités profondes et secrètes. Comme elle, je me suis intoxiqué de métaphysique et de songe, comme elle j’ai méprisé la vie pratique ; et, devant l’action qui emporte les autres hommes, j’ai souri orgueilleusement.

Il est temps de changer et de m’éveiller de mes rêves.

Me voici un homme. Les plus longs, les plus chers projets de ma jeunesse ont été démentis jusqu’au bout. J’ai cru à ce qui n’était point, j’ai poursuivi des chimères. Mais mon désir fut noble. J’ai méprisé les réalisations qui m’auraient donné l’immédiat bonheur, en me rendant semblable au troupeau de ceux qui trafiquent et jouissent. Cette Inde, avec ses plaisirs, ses angoisses, ses abattements et son rêve infini, sa passion de l’impossible, il m’a semblé, quand je l’ai parcourue, qu’elle était la géographie de mon âme pleine aussi de temples, de gémissements, de floraisons et comme enivrée de soleil… Mais je n’ai pas suivi la pente de paresse, je lève le front, je n’ai point tendu une main mendiante, je n’ai pas trahi mon idéal, j’ai racheté l’Inde dans mon cœur…