Aller au contenu

Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
66
VISIONS DE L’INDE

le matin joyeux, la Cité Sainte. Comme toutes les villes d’Asie avant midi, tant que l’été brutal ne les a pas déshabillées, Bénarès portait sa gaze flottante de brume. J’ai entr’aperçu en cette minute la Bénarès que je ne devais pas voir, celle des livres et des rêves, la cité éblouissante et sublime. C’est à peine si « le Temple d’Or » luit davantage parmi ces étincellements. Tandis que la locomotive nous emporte sur ce pont hardi qui enjambe le Gange, entre, tout à coup, par les fenêtres ouvertes, le charme brusque et enivrant de la nature printanière, des jardins de toutes parts, du fleuve divin, enfin lui-même, des édifices innombrables où vivent ensemble les hommes et les dieux.

Il nous faut faire une promenade assez longue en voiture pour gagner l’hôtel, charmant sous ses guirlandes de feuillage, très propre, tout blanc, avec ses « boys » accroupis sous les colonnades… Nos chambres sont fraîches avec des nattes secouées, sans meubles, un tapis mince comme un drap, des lits aux moustiquaires déjà prêtes qui semblent, si blancs, des cages de première communiante.

Les portes sont des rideaux courant sur des tringles. Après le tiffin, nous allons prendre le bateau. Il est vieux, semble-t-il, comme Bénarès, incommode à remuer, ponté trop haut pour sa dimension ; mais il permet de regarder comme d’une