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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/81

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VISIONS DE L’INDE

tribune un des plus extraordinaires spectacles qu’un homme puisse voir ici-bas. Nous sommes sur des fauteuils étiques, autour d’une vieille table épaisse et fatiguée, où nous posons nos cannes, nos éventails de paille qui servent à chasser des bandes compactes de moustiques. C’est l’après-midi maintenant, il fait chaud. Les rameurs tirent avec nonchalance ; l’eau est verte et les bulles qui y éclatent témoignent d’une constante décomposition. Une préhistorique ordure dort là. L’odeur, qui est toujours abominable, devient parfois si infecte, montant par bouffées, que nous devons lutter contre elle comme contre un ennemi. Nous fumons avec énergie ; lorsque nous sommes las de fumer, nous nous imbibons d’eau de Cologne. De temps en temps, le maître du bateau prononce des noms qui sont, pour sa foi d’Hindou, les clefs de splendeurs cachées, — comme ces mots du Conte qui, chacun, ouvraient un trésor.

Voici le palais du Maharajah, au loin ; puis, dominant tous les édifices, la grande Mosquée d’Aureng-Zeb, dont les deux minarets gigantesques attestent la conquête musulmane ; le temple du Népaul, le temple d’Or, le temple de Durga, qui a une frise de singes vivants… et il est impossible de compter les sanctuaires de Shiva, positivement le dieu de Bénarès. On les reconnaît à ce trident significatif