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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/104

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contraindre, fallût-il pour cela soulever contre lui ses propres sujets.

Qu’il y eût, sous ces prétentions religieuses, des passions et des intérêts politiques, les Guises cherchant une couronne, le roi d’Espagne rêvant la domination du monde catholique, quelques citoyens, dégoûtés des folies et des cruautés de leurs maîtres, et se demandant déjà si la présence d’un tyran est, pour un peuple, une condition de vie ou une cause de mort, cela n’empêche pas que tous les ambitieux se cachèrent sous le prétexte religieux, que l’Église dirigea la guerre d’action et la guerre de paroles, et que tous les partis, unis dans leurs colères, divisés seulement par leurs espérances, s’accordèrent à proclamer que l’autorité temporelle dépendait de l’autorité spirituelle, et que l’Église était la maîtresse des rois.

L’Église ne tarda pas à traiter le roi de France en maîtresse et en maîtresse irritée. Le curé de Saint-Gervais, Guincestre, appelle Henri III empoisonneur et assassin, et déclare « qu’on ne lui doit plus rendre obéissance. » Ce sermon, prêché devant une grande foule, est du 29 décembre 1588. Peu de temps après, le même Guincestre raconte en chaire « la vie, gestes et faits abominables de ce perfide tyran, Henri de Valois[1]. » Boucher, curé de Saint-Benoît, qui avait été recteur de l’Université, écrit un livre intitulé : La vie et faits notables de Henry de Valois tout au long sans en rien requérir, où sont contenus les trahisons, perfidies, sacrilèges, exactions, cruautés et hontes de cet hypocrite et apostat. « C’est un tyran, dit-il, tout le monde a le droit, le devoir de le tuer[2]. » La faculté de théologie avait proclamé la déchéance du roi. Une procession immense (cent mille personnes, disent les mémoires du temps) parcourut Paris en criant : « Dieu, éteignez la race des Valois[3]. »

  1. Labitte, les Prédicateurs de la Ligue, p. 45.
  2. Ib., p. 89.
  3. Labitte, II., p. 45.