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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/110

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une somme de cent soixante-cinq mille livres (quatre cent quatre-vingt-quinze mille francs d’aujourd’hui) aux gages des ministres et des régents dans les collèges et les écoles. Les églises avaient d’ailleurs le droit de posséder des biens propres et d’accepter des dons et legs. Enfin, une chambre spéciale, nommée chambre de l’Édit, où les causes des protestants étaient portées, fut créée dans tous les parlements du royaume. La chambre de l’Édit se composait à Bordeaux, Toulouse et Grenoble, de deux présidents, dont un réformé, et de douze conseillers, dont six réformés. À Paris et à Rouen, la chambre était composée de seize membres, dont quinze catholiques et un réformé seulement ; mais les catholiques ne siégeaient dans cette chambre que de l’aveu des protestants et sur leur présentation.

Henri IV, pour éviter une révolte des protestants, leur avait accordé cet édit, qui ne contenta personne et donna lieu à mille difficultés jusqu’à la révocation. Pour lui, il était si loin de concevoir la séparation du spirituel et du temporel et de la souhaiter, qu’après avoir souffert si longtemps de l’usage que ses ennemis faisaient contre lui de l’autorité de Rome, il donna tous ses soins, une fois converti, à mettre le pape dans ses intérêts, et à se servir de lui contre les catholiques excessifs. Un jour que les critiques violentes dont l’édit de Nantes était l’objet avaient lassé sa patience, il rassembla le parlement et lui tint ce discours : « Je sais que l’on a fait des brigues ici même, que l’on a suscité des prédicateurs séditieux ; mais je donnerai bon ordre à tous ces gens-là et ne m’en attendrai pas à vous… C’est le chemin qu’on a pris pour faire des barricades et venir par degrés au parricide du feu Roy…. Mais j’ai sauté sur des murailles de villes, je sauterai bien sur des barricades… Ceux qui pensent être bien avec le pape s’abusent ; j’y suis mieux qu’eux. Quand je l’entreprendrai, je vous ferai tous déclarer hérétiques pour ne me point obéir[1]. »

  1. Le Grain, déc. hist., ap. Journal d’Henri IV, p. 303 note.