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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/124

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rale[1]. Le tiers du produit des économats[2] était consacré à faire de nouveaux catholiques à raison de six livres par tête et de quarante livres pour une famille nombreuse[3]. Ce trafic explique la rigueur et la fréquence des lois contre les relaps. Enfin Louvois qui, quoique ministre de la guerre, voulait attirer à lui les affaires de la religion, imagina de loger les dragons chez les protestants, jusqu’à ce qu’ils fussent ruinés ou convertis. C’est ce qu’on appela les missions bottées. Les protestants n’envisagèrent plus que la misère ou le martyre. Les dragons se croyaient tout permis, hors le meurtre. Ils s’étudiaient à trouver des tourments qui fussent douloureux sans être mortels, a Comme il y avait souvent dans une maison plusieurs personnes qu’il fallait faire veiller, on y logeait des compagnies entières, afin qu’il y eût assez de bourreaux pour suffire à tant de supplices… Les soldats faisaient aux femmes des indignités que la pudeur ne permet pas d’écrire… Les officiers n’étaient pas plus sages que leurs soldats. Ils crachaient au visage des femmes ; ils les faisaient coucher en leur présence sur des charbons allumés… C’était le plus fort de leur étude de trouver des supplices qui fussent douloureux sans être mortels[4]. » Il y avait à Bordeaux, au Château-Trompette, des prisons disposées en losange, où les victimes ne pouvaient ni s’asseoir, ni se coucher, ni se tenir debout. On y descendait les protestants avec des cordes, et on les remontait chaque jour pour leur donner le fouet, le bâton ou l’estrapade. Ils sortaient de là après quelques semaines, sans cheveux et sans dents. Les églises étaient pleines de malheureux qui, pour échapper à ces atrocités, feignaient de

  1. Arrêt du Conseil, 11 janvier 1663.
  2. Le temporel des évêchés appartenait au roi pendant la vacance du siège, et était régi par un économe. Les économats formaient une branche importante du revenu de la couronne.
  3. Cf. Rulhières, Éclaircissements historiques sur l’Édit de Nantes.
  4. Benoît, Histoire de l’Édit de Nantes, l. XII, t. V, p. 833 sq.