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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/142

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persécution se montra cruelle. Une trentaine de religieuses, toutes d’une vie exemplaire et la plupart fort ignorantes, refusaient de souscrire un formulaire qu’on leur dirait contraire à la véritable foi de l’Église : c’était tout le délit, et l’on a peine à se représenter Louis XIV, avec toute sa puissance, faisant une affaire d’État de cette querelle de couvent, lançant chaque jour des arrêts, envoyant des archevêques et des visiteurs, privant ces filles des confesseurs en qui elles avaient confiance, rendant une ordonnance pour prescrire la signature du formulaire, et tenant un lit de justice pour la faire enregistrer[1], retournant au parlement un an après, tout exprès pour faire recevoir la bulle d’Alexandre VII[2], et forçant les religieuses, par lettres de cachet, à se confesser à des prêtres dont l’hostilité contre elles était bien connue, et dont à tort ou à raison elles suspectaient l’orthodoxie. L’archevêque de Paris entra dans le monastère, accompagné du lieutenant civil, du prévôt de l’île, du guet, et de plus de deux cents archers dont une partie investit la maison, et l’autre se rangea, le mousquet sur l’épaule, dans la cour. Douze « les principales religieuses, au nombre desquelles était l’abbesse, furent dispersées dans des maisons de différents ordres, et tenues dans une captivité rigoureuse. Enfin, un arrêt du conseil, du 22 janvier 1710, ordonna la démolition des bâtiments. Les matériaux furent vendus, et on effaça jusqu’aux vestiges des constructions ; mais ce sol nu était encore une terre sacrée ; il renfermait les dépouilles des Lemaistre, des Arnaud, des Racine, et de tant d’illustres personnages dont les malheurs de Port-Royal relevaient encore la mémoire. En 1711, on ouvrit les sépultures, on exhuma ces morts qui avaient voulu être éternellement réunis, et on les dispersa dans les églises de Paris et dans les cimetières des villages voisins.

  1. 29 avril 1664.
  2. 20 avril 1665.