Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blesser les oreilles pieuses ; scandaleuses, pernicieuses, téméraires, injurieuses à l’Église et à ses usages ; outrageantes non seulement pour elle, mais pour les puissances séculières ; séditieuses, impies, blasphématoires, suspectes d’hérésie, sentant l’hérésie, favorables aux hérétiques, aux hérésies et aux schismes, erronées, approchantes de l’hérésie et souvent condamnées ; enfin hérétiques et renouvelant diverses hérésies, principalement celles qui sont contenues dans les fameuses propositions de Jansénius prises dans le sens auquel elles ont été condamnées. »

Qui croirait qu’une doctrine ainsi traitée par le souverain pontife comptait parmi ses adhérents des évêques, des saints, des hommes de génie, les Pascal, les Arnaud, les Racine, les Saint-Simon[1] ? Il y avait à Paris un monastère de filles, peu versées sans doute dans les querelles théologiques, et qui était particulièrement odieux aux jésuites parce qu’il était cher à Antoine Arnaud, leur ennemi. C’était la maison de Port Royal. Arnaud était frère de la mère Angélique, fondatrice et longtemps abbesse de la communauté ; il avait sa mère, six de ses sœurs et six de ses nièces religieuses à Port-Royal ; lui-même, lorsqu’il fut fait prêtre, leur avait doimé tout son bien et s’était retiré dans cette solitude avec Arnaud d’Andilly, son frère aîné, et ses deux neveux Sacy et Lemaître[2]. Ce fut là que la

  1. « Ce même mois de mars 1711 vit éclore les premiers commencements de l’affaire qui produisit la constitution Unigenitus si fatale à l’Église et à l’État, si honteuse à Rome, si funeste à la religion, si avantageuse aux jésuites, aux sulpiciens, aux ultramontains, aux ignorants, aux gens de néant, et surtout à tout genre de fripons et de scélérats, dont les tuiles, dirigées autant qu’il leur a été possible sur le modèle de celle de la révocation de l’édit de Nantes, ont mis le désordre, l’ignorance, la tromperie, la confusion partout, avec une violence qui dure encore, sous l’oppression de laquelle tout le royaume tremble et gémit, et qui, après plus de trente ans de la persécution la plus effrénée, en éprouve, en tout genre et en toute profession, un poids qui s’étend à tout et qui s’appesantit toujours. » Mémoires de Saint-Simon. t. IX, p. 84 sq.
  2. Racine, Abrégé de l’histoire de Port Royal, première partie.