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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/149

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en péril, si un hérétique pouvait épouser devant le magistrat la mère de ses enfants. En 1764, La Morandière ayant publié une brochure pour demander le rappel de ces lois iniques, Grimm se félicita, comme d’un progrès des mœurs et d’une marque évidente de la douceur du gouvernement, d’avoir vu paraître cet écrit en France. Quelques années après, un procès scandaleux appela sur la situation des protestants l’allention de tout le royaume. Le vicomte de Bombelles, catholique, qui avait épousé à Montauban, selon le rite protestant, Mlle Camp, et qui en avait eu un enfant, se maria de nouveau, l’année suivante, du vivant de sa première femme, avec une catholque, Mlle Carvoisin. La femme abandonnée réclama devant le parlement. L’arrêt fut rendu le 6 août 1772. Il débouta Mlle Camp de sa demande, et la condamna aux dépens. Les juges allouèrent des aliments à l’enfant, et une indemnité à la femme délaissée. Toute la France en frémit de honte.

Il est à remarquer qu’on s’élevait contre la situation faite aux familles protestantes, sans pousser plus loin les réclamations, et sans demander pour les dissidents la jouissance des droits politiques. On aurait cru passer toutes les bornes en proposant de revêtir un protestant d’une magistrature. Voltaire fait la remarque que plusieurs d’entre eux occupaient des places dans la ferme, et que personne ne songeait à s’en plaindre : « Voilà, dit-il un grand commencement de tolérance, une grande marque des progrès de l’esprit public. » Ajouterai-je que les protestants eux-mêmes, tout en demandant certains droits et une existence légale, n’espéraient pas, ne rêvaient pas l’égalité absolue ? Ce sera pour Malesherbes un éternel honneur que d’avoir pris leur cause en main ; que dis-je leur cause ? la cause même de l’humanité et de la liberté ! Déjà, en 1779, il avait publié sous la rubrique de Londres un mémoire où il demandait le rappel des protestants : il le demanda encore en 1785, par deux mémoires qui cette fois purent être publiés en France. La lecture en est en-