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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/17

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l’État attache à l’excommunication des peines temporelles, ou s’il contraint les incrédules et même les croyants à l’orthodoxie et à la pratique des devoirs religieux, cette intervention de la force dans les affaires de la conscience n’appartient plus à l’intolérance religieuse. C’est un fait nouveau qui se produit : car, dans le premier cas, l’Église fait violence à ma raison en vertu d’une autorité que j’ai librement reconnue, et que je reste libre d’abandonner ; et dans le second cas, l’État fait violence à ma raison et à ma liberté, en vertu d’une croyance que je repousse.

L’intolérance religieuse n’aboutit pas nécessairement à l’intolérance civile. Il est dans la nature humaine de tendre sans cesse à faire partager aux autres ou sa foi ou son scepticisme. Ce besoin qu’on ne peut nier, et qu’il ne faut pas combattre, car il est un des agents les plus énergiques de notre sociabilité, engendre également les persécuteurs et les apôtres. Selon qu’on respecte l’humanité ou qu’on la dédaigne, on s’efforce d’attirer les esprits à soi en les éclairant, ou de les tromper et de les maîtriser. Tel est l’éternel antagonisme de la liberté et de l’oppression, du droit et de la force.