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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/173

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avec impatience, et plus d’une fois couvert par des murmures qui ne partaient pas tous des rangs de la droite[1]. Si la détermination de mettre la main sur l’organisation du clergé n’avait pas été arrêtée dans les esprits, cet excès de franchise pouvait tout perdre. L’Assemblée, qui sentait le besoin d’une religion, qui la voulait dominante, qui ne pouvait pas en faire une, ne voulait pas s’avouer à elle-même, et ne voulait pas avouer au monde que la France avait cessé d’être catholique. Quand une Assemblée a un parti pris dans une question redoutable, il arrive souvent, à sa honte, qu’on la sert mieux en lui fournissant des équivoques et des palliatifs, qu’en déchirant honnêtement et brusquement tous les voiles.

La constitution civile du clergé fut donc adoptée par les motifs de Treilhard et de Camus[2]. L’Assemblée refit au rebours l’œuvre de Boniface VIII ; elle assouplit le catholicisme aux besoins de sa politique, et feignit de croire qu’elle n’avait porté aucune atteinte à l’orthodoxie. L’ardente polémique qui accompagna et suivit les débats roula presque tout entière sur ce thème. La question de liberté de conscience ne fut posée ni par le clergé, qui ne parla que des droits de l’Église, ni par la majorité, qui se déclara orthodoxe, ni par Robespierre, qui soutint le principe des religions d’État créées de toutes pièces, comme instrument de gouvernement, par le pouvoir politique.

Quand on ne sait pas les nécessités que les passions humaines introduisent dans l’histoire, on peut s’étonner que la réaction contre le despotisme royal ait abouti si promptement, et après une si courte halte dans la liberté, au despotisme révolutionnaire ; et que la haine des conventionnels contre l’ancienne religion d’État n’ait inspiré à la Convention qu’une religion d’État nouvelle. Ce phénomène mérite de nous arrêter.

  1. Séance du 31 mai 1790.
  2. La loi fui proclamée le 12 juillet 1790.