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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/172

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L’Assemblée répondait par de violents murmures à cette argumentation sans réplique. D’un autre côté, quelques membres du clergé gâtaient la force de cette position par leurs exagérations. Le curé Leclerc prétendait conserver à l’Église une action même temporelle ; il énumérait ainsi les droits qu’on devait lui conserver : « La législation, pour le bien général ; la coaction, pour arrêter les infractions qui seraient faites à la loi ; la juridiction, pour punir les coupables, et l’institution, pour instituer les pasteurs. » C’était jeter de l’huile sur le feu. Cette revendication explicite du droit de coaction arrachait à Camus ces paroles, où le fond de son âme se dévoilait : « Nous sommes une Convention nationale, nous aurions assurément le droit de changer la religion ; mais nous ne le ferons pas, ce serait un crime, etc. » Parler ainsi, c’était traiter le christianisme comme un établissement purement politique, l’accepter par convenance pour l’utilité qu’on en retirait, et s’arroger le droit de le modifier profondément pour l’accommoder aux vues gouvernementales de l’Assemblée. Sauf ce mot qui lui échappa, et qui ne fut pas compris. Camus se renferma, comme Treilhard, dans des subtilités de canoniste.

Mais il y avait dans l’Assemblée un homme qui n’avait rien à ménager, dont la politique était de pousser la logique à l’excès, et de subjuguer les esprits en les mettant brusquement en face des conséquences les plus dures : c’était Robespierre, alors assez peu connu, très-peu entouré. Au lieu de prétendre à l’orthodoxie, comme la majorité du comité ecclésiastique, il articula très-nettement que la religion était un service public, les prêtres des magistrats ; que l’Assemblée avait le droit de réformer la religion comme tout le reste ; que le peuple devait nommer les prêtres, et les salarier dans la proportion de leurs services. Il alla même jusqu’à demander le mariage des prêtres. Ce discours qui allait au fond des choses, et qui mettait à nu la véritable politique de l’Assemblée, fut écouté