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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/198

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peut citer, comme une des plus grandes fautes du parti, une protestation violente contre la Constitution civile du clergé, dans laquelle Maury réclamait, non la liberté et l’égalité des cultes, mais la restitution à l’Église réfractaire du titre et des droits de religion d’État. Ce n’était qu’une lettre adressée au pape ; malheureusement, elle transpira dans le public, et Maury lui-même n’était pas homme à la tenir secrète. Le comité de législation répondit à cette provocation par un décret qui exigeait le serment dans un délai de huit jours, sous peine de privation des pensions, et même d’internement dans le cas où la paix publique aurait été troublée. Ainsi de simples citoyens, n’exerçant aucune fonction dans l’État, puisque les prêtres réfractaires n’étaient plus fonctionnaires publics, étaient contraints à prêter serment, ou à perdre leurs biens et leur liberté. À la vérité, le serment spécial d’abord exigé fut remplacé plus tard par le serment civique ordinaire : restriction au fond peu importante, puisque le serment civique comprenait la promesse d’obéissance à la loi, et que la Constitution civile du clergé était une loi de l’État. Le décret qui rendit le serment obligatoire est du 29 novembre 1791. « Il faut, s’écria un membre, que ceux qui ont dit : hors de l’Église point de salut, apprennent que hors de l’État, il n’y a pas de pensions. » Le roi opposa son veto, ce qui accrut la colère publique. À Paris, le Directoire du département, resté fidèle aux principes de 1789, adressa au roi une pétition contre le décret du 29 novembre, et la résuma dans ces sages paroles : « Puisqu’aucune religion n’est une loi, qu’aucune religion ne soit un crime. » Le pape aussi protesta. Malgré le veto du roi, plusieurs départements passèrent outre et tinrent le décret pour valable. À Brest, les prêtres insermentés sont jetés en prison ; à Nantes, ils sont obligés de se présenter à la police deux fois par jour. À Rennes, ils ne peuvent se réunir au nombre de plus de trois. Dans un grand nombre de départements, on les oblige de se rendre au chef-lieu,