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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/199

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et s’ils refusent, on les y traîne[1]. De leur côté, les pays catholiques s’apprêtent à la résistance. On court aux armes dans le Midi, en Vendée. La situation ne pouvait durer : il y avait d’un côté parti pris de ne pas se soumettre, et de l’autre, parti pris d’obtenir le serment, et déjà peut-être d’en finir avec les personnes. Le ministre de l’intérieur, Cahier-Gerville, dans un rapport présenté à l’Assemblée le 18 février 1791, résume ainsi son opinion : « Si d’un côté, l’on voit des fanatiques, de l’autre, on voit des persécuteurs, et il semble que la tolérance soit exilée de ce royaume. » Roland, qui lui succéda et fut, comme on sait, un ministre modéré, qui paya même sa modération de sa vie, demanda des mesures sévères. Merlin parla de transportation en Amérique. Legendre, pérorant aux Jacobins, s’écria : « Il faut que le prêtre réfractaire porte sa tête à l’échafaud ou son corps aux galères. » Enfin, à la suite d’un rapport présenté par François de Nantes, l’Assemblée décréta que le département pourrait déporter tout prêtre réfractaire dénoncé par vingt citoyens actifs, après avis conforme du district[2]. Le roi, encore une fois, opposa son veto. La France, en vérité, n’était plus une nation ; c’était une lutte entre deux armées. Le 20 juin et le 10 août décidèrent de la victoire. D’un côté, on demandait la liberté, en aspirant à la domination par la force même du principe catholique, de l’autre, on proclamait la liberté, en imposant un culte par la violence. La Révolution, légitime dans son principe et dans ses aspirations, dégénérait en despotisme, et, dans son aveuglement, transformait ses ennemis en martyrs, elle que le long martyre de la liberté avait faite si grande !

Ces querelles violentes et confuses aboutirent aux massacres de septembre[3]. Personne n’ignore que, dans ces funèbres journées, les prêtres étaient les premières vic-

  1. M. de Pressensé, loc. cit., p. 224, sqq.
  2. 26 août 1702.
  3. 2-3 septembre 1792.