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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/24

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la philosophie est aussi celui des mythes. » Aristote est l’esprit le plus net et le plus ferme que la Grèce ait produit. Sa doctrine sur la religion a beaucoup d’analogie avec celle de Platon qui fut son maître ; cependant Platon reste beaucoup plus religieux, plus pythagoricien, plus grec. Il nie autant qu’Aristote, et il croit davantage. Cette opposition, dans un si grand esprit, d’une pensée très-sûre d’elle-même et d’une sorte de crédulité, mérite bien qu’on s’y arrête, car c’est un fait très-considérable dans ce qu’on pourrait appeler l’histoire psychologique des religions.

Voici d’abord un passage qui rappelle très-exactement la doctrine du passage d’Aristote que nous venons de citer. « Quant aux autres démons, dit Platon dans le Timée[1], il est au-dessus de notre pouvoir de connaître et d’expliquer leur génération ; il faut s’en rapporter aux récits des anciens, qui, étant descendus des dieux, comme ils le disent, connaissent sans doute leurs ancêtres. On ne saurait refuser d’ajouter foi aux enfants des dieux, quoique leurs récits ne soient pas appuyés sur des raisons vraisemblables ou certaines ; et puisqu’ils prétendent raconter l’histoire de leur propre famille, nous devons nous soumettre à la loi et les croire. »

Platon a consacré deux livres de la République à faire ressortir l’absurdité et le danger des récits mythologiques, qui proposent à l’adoration des hommes un Jupiter parricide, une Junon impudique[2], qui transforment les dieux en enchanteurs toujours occupés à nous tendre des pièges, comme si la divinité pouvait mentir, et à changer de figure, comme si la divinité n’était pas parfaite, ou que la perfection pût se modifier sans déchoir[3]. Il déclare en termes formels qu’il n’y a rien de vrai dans ces fables[4].

  1. Trad. de M. Cousin, t. XII, p. 436. Voyez aussi l’Euthyphron, t. I, p. 49.
  2. Républ., II. Trad. fr., t. IX, p. 407, 409. Cf. Hésiode, Théog., v. 454 sqq.
  3. Ib., II. Trad. fr., t. IX, p. 443.
  4. Ib., p. 408.