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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/266

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sait à ce poids toutes les affaires humaines. Il se sentait même un certain mépris pour ceux qui étaient arrêtés par des raisons de conscience. Ces scrupules n’étaient pour lui qu’étroitesse de vues. Il écrivait à son oncle, le cardinal Fesch : « Vous ne devez point vous dissimuler que cette question de constitutionnels et de non-constitutionnels, qui est parmi le grand nombre des prêtres une question religieuse, n’est pour les chefs qu’une question politique[1]. » Cet homme, qui unissait, par un rare assemblage, un esprit très-fin à une volonté très-forte, et qui bravait les difficultés en les comprenant, comprit tout en effet, excepté une seule chose : le scrupule en matière de foi et en matière de morale. On peut dire en ce sens qu’il ne méritait pas d’avoir à traiter les plus grandes affaires du monde avec des hommes tels que Pie VII et Consalvi. Il les brutalisa et il les joua ; mais il ne les comprit jamais. Cela ne veut pas dire qu’il n’avait pas raison, lui, chef d’un gouvernement sorti de la Révolution, de défendre les constitutionnels, et que le pape n’avait pas tort, lui qui signait le concordat, de se montrer inflexible pour des hommes qui n’avaient pas cédé beaucoup plus, et qui avaient reculé devant des périls bien plus grands. Enfin, le cardinal Caprara, que le premier consul avait choisi lui-même, parmi tous les cardinaux, pour être le premier légat à latere, fut sa dupe jusqu’au bout. Il le cajola et le terrifia tour à tour ; il se servit de lui pour endormir la cour de Rome, et le contraignit, au dernier moment, à faire toutes ses volontés. En voici deux exemples frappants : Caprara, se conformant à ses instructions, avait refusé de prêter, dans son audience solennelle, le serment autrefois exigé des légats à latere. Le lendemain, le Moniteur inséra, dans sa partie officielle, la formule du serment qu’il était censé avoir prononcé et signé[2]. On

  1. Cf. les lettres no 6121, 6122, 6136, 6214, du tome VII de la Correspondance de Napoléon 1er.
  2. Moniteur du 20 germinal an X, p. 805 (9 avril 1802).