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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/287

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la philosophie de Descartes et celle de Condillac ; tous nos philosophes, et il y en a de très-grands par l’analyse, par le style, par l’histoire, par l’action sur les hommes, vont de Condillac à Descartes, sans rien ajouter à leurs doctrines, lors même qu’ils font ou croient faire des emprunts à la philosophie de nos voisins. Ce n’est pas que l’esprit français manque d’initiative ou d’originalité ; mais le cercle de la métaphysique est très-circonscrit pour lui, parce qu’il est dominé par un grand besoin de précision qui l’empêche de se plaire aux abstractions, aux idées obscures, incomplètes et sans application possible ou prochaine. Il est donc bien rare qu’une nouvelle secte religieuse se produise chez nous, mais cela n’est pas sans exemple, comme nous l’avons vu tout récemment, et d’ailleurs une constitution doit tout prévoir ; elle doit poser le principe, qu’il soit ou non réclamé. La Constitution de 1848 a donc fait faire un pas de plus à la forme légale de la liberté des cultes.

Mais en même temps que je le constate, je me demande ce que c’est qu’un culte reconnu par la loi. Il n’est pas question d’introduire ici la discussion des salaires. Je prends le salaire comme un fait, puisqu’en France tous les cultes reconnus sont salariés. Assurément le principe du salaire ne peut être introduit dans une législation sans une réglementation ; car il ne peut pas dépendre des citoyens de grever le budget de l’État d’un nouveau chapitre des cultes en créant un culte nouveau, sans que l’État ait le droit d’examiner si ce culte a un caractère assez religieux, s’il est assez moral, s’il a d’ailleurs, par le nombre de ses adhérents, une importance assez grande pour obtenir des subsides du trésor commun. J’avouerai aussi que la protection dont la loi entoure les ministres du culte ne peut être réclamée sans condition par tout chef de secte, car l’autorité judiciaire manquerait d’éléments pour constater la qualité, et par conséquent pour caractériser le délit. Je ne suis donc pas étonné de lire, dans le décret du