Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/286

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modifié par cette loi dans le sens de l’égalité, qui est en toutes choses l’indispensable condition de la liberté. Cette législation est encore celle qui régit toute la France. Elle n’a été modifiée dans aucun point essentiel, ni par la Constitution de 1848, ni par les constitutions subséquentes. L’article 7 de la Constitution de 1848 est ainsi conçu : « Chacun professe librement sa religion, et reçoit de l’État pour l’exercice de son culte la même protection. Les ministres, soit des cultes reconnus actuellement par la loi, soit de ceux qui seraient reconnus à l’avenir, ont le droit de recevoir un traitement de l’État. »

Il faut remarquer cette expression : « Les ministres, soit des cultes actuellement reconnus par la loi, soit de ceux qui pourraient l’être à l’avenir. » Elle a, dans la pensée du législateur, une portée libérale et philosophique. On a voulu marquer qu’on ne prétendait pas renfermer l’expression des sentiments religieux dans les formes aujourd’hui acceptées, et que si une nouvelle religion venait à naître en France ou à s’y introduire, elle pouvait prétendre, comme les autres, à une reconnaissance officielle. Il faut savoir d’autant plus gré de cette déclaration aux législateurs de 1848, qu’ils n’ont cédé en la faisant qu’à l’esprit de justice, et qu’elle n’était pas réclamée par l’opinion. La France n’est pas une bonne terre pour la fondation des religions. Le protestantisme y avait pris un moment une grande extension : il a été réprimé violemment, et la religion catholique, essentiellement ennemie de l’esprit de secte, est restée maîtresse du terrain. Même dans le sein du protestantisme, qui se divise ailleurs en une infinité de communions, il y a toujours eu, en France, plus d’unité. Presque tous les protestants français sont calvinistes, bien peu sont luthériens[1] ; le nombre de dissidents est presque imperceptible. Il en est de même en philosophie. Nous avons

  1. Excepté en Alsace, où la grande majorité est luthérienne.