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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/298

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même toute l’autorité spirituelle. Cette nouvelle organisation, qui rendait le czar maître absolu de l’Église russe, faisait des ruthéniens non-seulement des dissidents, mais presque des rebelles. À partir de ce moment, tout en reconnaissant en apparence leur droit et leur liberté, on ne songea plus qu’à les ramener dans le sein de l’Église nationale par la violence ou par la ruse. Ce fut surtout sous l’empereur Alexandre, en 1823, que la persécution commença à se développer. Un oukase ordonna que les enfants issus d’un mariage mixte fussent nécessairement élevés dans le schisme[1]. Par un autre oukase, l’empereur ferma les séminaires catholiques, et ordonna que les élèves de théologie de l’Église ruthénienne seraient instruits dans le couvent schismatique de Saint-Alexandre Newski à Saint-Pétersbourg ; enfin il plaça les Églises ruthéniennes sous l’autorité du saint synode, c’est-à-dire qu’il donna à l’Église schismatique le gouvernement de l’Église orthodoxe. Il semble qu’il aurait pu s’en tenir là, et qu’après avoir mis la main de l’Église schismatique sur l’administration et l’enseignement théologique de l’Église romaine, il devait considérer comme une simple affaire de temps l’anéantissement du culte catholique dans ses États. Mais il redoutait, non sans raison, la vitalité de l’esprit religieux dans les Églises opprimées. Il avait gagné à ses projets la plupart des évêques ruthéniens ; il leur prescrivit d’enlever aux curés les missels, les eucologes et les bréviaires catholiques, et de les remplacer par les livres employés dans l’Église

  1. « Le très-haut synode… attendu qu’il serait plus utile, pour le présent et l’avenir des habitants, que les provinces polonaises unies à l’empire fussent soumises à la loi générale qui existe en Russie en matière de mariages mixtes ;
     « Attendu que cette décision doit contribuer à réprimer des excès qui se commettent par le clergé romain et grec uni, qui bénit les mariages de personnes de communions différentes sans les formalités préalables et nécessaires…, il a été décidé, etc. » (23 novembre 1832.) — Cf. un oukase d’août 1839, qui défend aux prêtres catholiques de baptiser les enfants nés des mariages mixtes.