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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/300

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damnés à l’hérésie. On les força d’abjurer ; on les enferma séparément dans des couvents russes. Tel fut aussi le sort du curé Wierbecki, condamné à la déportation, et dont les enfants furent contraints d’embrasser la religion russe ; de Michel Starzynski, condamné à mort, dont la peine fut commuée en vingt ans de travaux dans les mines. Tous deux moururent de misère en 1838. On évalue à cent soixante le nombre des prêtres emprisonnés ou exilés. Le métropolitain Bulhak, seul des évêques, résista jusqu’au bout. On n’avait pu le vaincre vivant, on triompha de son cadavre. Son corps fut porté à Saint-Alexandre Newski, exposé dans l’église schismatique, enterré par des prêtres schismatiques, afin qu’on pût croire qu’il avait apostasié à son lit de mort. Cependant les conversions ne venaient pas assez vite au gré du saint synode ; on eut recours à des moyens plus expéditifs. On envoya des soldats, comme Louvois sous Louis XIV. En sortant de la messe, les paysans trouvaient le village cerné. Un pope montait sur une pierre, et annonçait que le saint synode recevait à résipiscence cette population égarée. Il fallait se soumettre, coûte que coûte, sur cette simple déclaration. Quand le czar a parlé, la conscience doit se taire. Si quelqu’un hésitait, parmi ces simples, on le couchait à terre, on le dépouillait, on lui donnait la bastonnade. Il était converti avant le vingtième coup. À Starosiel, les paysans en masse déclarèrent qu’il fallait d’abord obéir à Dieu, et ensuite à l’empereur. C’était un cas de rébellion. Les soldats se ruent sur ces mutins, en les frappant à coups de bâton et à coups de sabre. Toute cette population éperdue se réfugie sur un lac glacé ; on brise la glace. Vingt-deux hommes périssent, le reste demande merci en abordant au rivage. Ils renoncent à leur foi pour sauver leur vie. Ces scènes sauvages se passèrent en 1838[1].

  1. « Les popes offrirent à chaque individu qui viendrait signer l’acte du schisme, un demi-sac de farine par mois (1834). Ceux qui retournaient au catholicisme étaient mis en prison, enchaînés et fouettés jus-