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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/33

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donne en tout de la mesure, Aristote par l’intelligence profonde de la méthode et des conditions vraies de la science. Il n’en reste pas moins qu’il y avait une certaine confusion dans les âmes même supérieures. L’étude attentive de Platon explique, autant que l’état politique d’Athènes, la condamnation de Socrate. Cet homme excellent, qui représente le bon sens dans la vie comme dans la philosophie, avec peut-être un peu de subtilité pour rappeler qu’il était Grec, fut condamné à l’époque de la civilisation la plus florissante, après un développement immodéré, mais puissant et fécond de l’esprit philosophique, dans le siècle glorieux de Périclès, et dans cette république Athénienne qui venait de renverser les tyrans, qui dans le siècle précédent avait détruit l’aristocratie des Eupatrides, qui tirait au sort les fonctions de prytanes et d’épistate, et faisait décider toutes les affaires par l’assemblée générale de la nation ; par ce peuple intelligent, rusé, frondeur, et nécessairement un peu sceptique, capable de tout comprendre et de tout mépriser ; à côté de ces sophistes qui ne laissaient debout ni une vérité morale, ni un principe politique, ni une maxime de sens commun. Sans ce fond de crédulité, dont Platon lui-même eut tant de peine à s’affranchir, on ne saurait s’expliquer cette condamnation. Libéraux et intolérants, superstitieux et incrédules, indifférents et cruels, voilà Athènes, voilà les juges de Socrate. Est-ce qu’Anytus, qui le fit condamner, n’avait jamais lu Platon ? Pendant qu’on jugeait Socrate pour avoir nié les dieux de la république, tous ceux qui étaient là, au moins tous les lettrés, connaissaient Platon, lisaient ses œuvres, conversaient avec lui, savaient à n’en pas douter qu’il était justement aussi coupable que son maître. Il est même très-probable, pour ne pas dire tout à fait certain, que la grande majorité des juges et Anytus lui-même, se souciaient de Jupiter et de Bacchus tout autant que Socrate et les prenaient tout simplement pour des légendes ou des symboles, sauf en rentrant chez eux à en