Aller au contenu

Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE III.

De la religion à Rome avant le christianisme.


Le rôle de la religion à Rome fut tout autre que dans la Grèce. Les collèges de prêtres y furent plus fortement organisés, et par conséquent plus puissants. Ils eurent un rang éminent, une autorité redoutable dans l’État. La religion fut mêlée à tous les grands actes de la vie privée et de la vie publique ; elle fit partie de la loi ; elle en fut la substance. Offenser les dieux et surtout les dieux romains, dî patrii indigetes, c’était offenser la patrie et la loi, commettre un sacrilège, et une trahison. Le respect des dieux et de la religion fut donc imposé par des lois cruelles, sévèrement exécutées par la politique des patriciens et le fanatisme du peuple.

Cependant qu’était-elle, cette religion comme corps de doctrine ? Elle était si compréhensive, et mêlée de tant de contradictions et d’horreurs, qu’il était impossible de la prendre au sérieux, d’y ajouter foi. On respectait en elle, et même à l’excès, l’idée de religion, qui est en effet respectable ; mais tout s’évanouissait à la moindre réflexion ; le symbole ne cachait plus rien. Les Romains éclairés, comme Cicéron, parlaient des dieux en souriant et du culte très-sérieusement. Le peuple, superstitieux à l’excès, était athée. Philosophes et populace étaient d’accord pour imposer la religion, et pour ne pas savoir ce que c’était.