Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/371

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un acte d’adhésion formelle et personnelle[1]. Un très-grand nombre d’hommes se prêtent à cette formalité tout en persistant dans leur incrédulité. Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? À mes yeux, c’est un mal ; car c’est une hypocrisie, et cette hypocrisie, fréquemment répétée, tend à détruire le sentiment moral, en faisant considérer les professions de foi comme des actes indifférents. Voilà un exemple entre mille des difficultés qui naissent de l’opposition établie entre les lois et les mœurs, entre les lois civiles et les institutions religieuses.

L’Église catholique n’a pas toujours pratiqué la même politique en France, quant à l’administration des sacrements ; et, sans remonter très-haut, on trouve un exemple mémorable de ces revirements dans l’histoire du protestantisme sous Louis XIV et Louis XV. Le clergé de 1685, qui dirigea la conscience de Louis XIV à l’époque des dragonnades et de la révocation de l’édit de Nantes, demandait que l’on contraignît les nouveaux convertis à se conduire extérieurement en bons catholiques, à envoyer leurs enfants aux instructions, à assister eux-mêmes aux offices et à recevoir les sacrements de l’Église. « Il croyait, dit Malesherbes[2], que si un faux converti commettait un sacrilège en recevant indignement nos sacrements, celui qui les lui administrait n’en était pas responsable, et qu’au contraire il était avantageux pour la religion catholique d’engager les hérétiques à lui rendre cette espèce d’hommage. » Une preuve sans réplique que telle était l’opinion du clergé, c’est la déclaration du 29 avril 1686, par laquelle il fut ordonné que quand un nouveau converti, malade, aurait refusé de recevoir les sacrements de l’Église, il serait condamné aux galères s’il recouvrait la santé ; et que s’il mourait, sa mémoire serait flétrie, son cadavre

  1. Sur cette distinction, voyez la Religion naturelle, sixième édition, page 389.
  2. Mémoire sur le mariage des protestants, fait en 1785, par Malesherbes, p. 8 et 9.