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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/372

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jeté à la voirie et ses biens confisqués. Il est bien évident que le prétendu converti qui, à l’article de la mort, marque de la répugnance pour les sacrements de l’Église, en est indigne. C’est donc le sacrilège que cette loi ordonne. « De la torture à l’abjuration et de celle-ci à la communion, il n’y avait pas souvent vingt-quatre heures de distance, dit le duc de Saint-Simon, et leurs bourreaux étaient leurs conducteurs et leurs témoins. C’est ainsi, ajoute-t-il avec force, que les orthodoxes imitaient, contre les erreurs et les hérétiques, ce que les tyrans hérétiques païens avaient fait contre la vérité, contre les confesseurs et contre les martyrs[1]. » On ne se pouvait consoler de cette immensité de parjures et de sacrilèges prescrits, exigés par les magistrats, par la loi. Et cette loi a été renouvelée en 1715 et 1724[2], parce que le système qui était celui du clergé sous Louis XIV, a été celui des ministres et des magistrats sous Louis XV[3]. Le cardinal de Noailles fut le premier qui éprouva des scrupules sur cette participation des convertis aux sacrements de l’Église. Il obtint, en 1698, un édit qui devait tempérer la rigueur avec laquelle on exigeait des nouveaux catholiques l’accomplissement des devoirs de la religion ; mais cet édit ne fut pas exécuté. On ne commença à se relâcher réellement que sous le cardinal Fleury ; et alors on passa très-rapidement d’une extrémité à l’autre : car au lieu que sous Louis XIV on contraignait les protestants à recevoir les sacrements, on refusa désormais de leur administrer le sacrement du mariage, tant qu’il y avait des doutes sur la sincérité de leur conversion. Il y eut dissentiment à ce sujet entre la magistrature, qui tenait pour l’ancienne politique, et le clergé, qui était résolu de s’opposer de toutes ses forces à la profanation habituelle et scandaleuse des sacrements. On réunit à Montpellier, en 1 752, les évêques du Langue-

  1. Mémoires de Saint-Simon, chap. DCXIII.
  2. 8 mars 1745 et 14 mai 1724.
  3. Malesherbes, Mémoire, etc., p. 10.