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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/393

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auprès du scandale permanent produit, il y a quelques années, par une prétendue apparition de la Vierge, Cette fois l’imposture était évidente et même grossière : on prêtait à la mère de Dieu un tel langage que les catholiques éclairés furent pénétrés d’indignation. On n’en éleva pas moins une chapelle votive qui subsiste encore à la honte du dix-neuvième siècle, en dépit d’un jugement solennel, et comme pour attester l’impuissance de la loi et de la raison. Ces étranges doctrines, condamnées par les plus saints évêques, n’ont pas ouvert les yeux à ceux qui se précipitent dans la superstition par peur de la liberté, ou par ignorance. Est-ce assez clair, et voit-on maintenant le sens et le but de cette croisade ? S’agissait-il de nous ramener à la foi par la persuasion, en respectant en nous notre dignité d’hommes libres, d’hommes éclairés ; ou ne voulait-on pas au contraire, pour triompher de l’incrédulité, triompher de la liberté et de l’intelligence ? C’est ce que tout homme de bon sens décidera. Mais comme nos adversaires ont des accès de franchise, et qu’il leur arrive plus d’une fois de manifester le fond de leur pensée, j’avoue que ceux qui se laissent duper ne paraissent pas excusables. Le vrai de la situation est ceci : le parti ultramontain croit que l’incrédulité fait des progrès ; il attribue ces progrès, non comme il le dit quelquefois, à l’éducation universitaire, mais à l’ensemble des idées et des habitudes modernes, au caractère essentiellement laïque de la société, à l’égalité des frères devant le code civil, à l’égalité des ecclésiastiques et des laïques, des fidèles et des dissidents devant le code administratif et le code pénal, au dogme de la souveraineté populaire, et même à la participation restreinte des citoyens au gouvernement, à l’abolition de l’influence sociale des ordres monastiques, à la suppression de l’aristocratie, des majorats, du droit d’aînesse, des corporations privilégiées et de la mendicité, au droit de libre examen et de libre discussion, aux progrès de l’instruction primaire, à ceux de la physique, de la chi-