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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/42

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s’adressant aux incrédules, elle veut les contraindre, par la ruse ou par la force, à mentir à Dieu et aux hommes, elle se rend coupable du plus grand de tous les crimes, car elle viole la liberté dans la conscience qui en est le sanctuaire, et elle emploie la violence pour commander l’hypocrisie et le parjure.

Les apôtres disaient à leurs disciples : « Croyez ce que nous vous enseignons au nom de Dieu, si vous voulez gagner la vie éternelle ; mais si vous n’avez pas une foi d’enfants, quittez-nous, et allez en paix. »

Et les proconsuls disaient à ceux qu’on traînait devant leur tribunal : « Désobéissez à votre conscience et à votre Dieu, et adorez les dieux de notre empereur, sous peine de la vie. »

Que devaient faire les chrétiens ?

Leur maître avait dit : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu[1]. »

Ils étaient prêts à obéir à César, pour tout ce qui ne heurtait pas la loi divine. Si César demandait l’impôt, ils étaient prêts à le payer ; s’il demandait leur sang, ils étaient prêts à le répandre. Mais quand il ordonnait un crime, ils ne savaient plus que résister jusqu’à la mort. Ils ne résistaient pas les armes à la main, car on leur avait dit : « Si quelqu’un vous frappe sur une joue, tendez l’autre[2]. » Ils venaient comme des troupeaux de moutons qu’on mène à la boucherie, paisibles, désarmés, résignés. Ils répondaient avec une fermeté douce. Si le proconsul, par pitié, essayait d’argumenter contre eux, ils ne le comprenaient pas, car ils étaient presque tous sans lettres ; ils répétaient leur symbole, et tendaient la gorge. Ce fut bientôt un spectacle terrible que ces populations décimées. Les juges subissaient la triste loi des persécutions ; ils inventaient des supplices dont le récit fait frémir après tant de siècles. N’étaient-ils pas citoyens de cette Rome, dont

  1. Saint Marc, XII, 47.
  2. Saint Matthieu, V, 30.