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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/53

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Le saint eut recours à un stratagème que je rapporterai, malgré sa naïveté, parce qu’il exprime bien les mœurs de l’époque, et surtout celles de l’Église.

Arcade, fils de Théodose, venait d’être déclaré Auguste : saint Amphiloque étant chez l’empereur, ne rendit à Arcade aucune marque de respect ; Théodose l’en avertit et l’invita à venir saluer Arcade ; alors saint Amphiloque s’approcha d’Arcade, et lui fit quelque caresse comme à un enfant, mais il ne le traita nullement en empereur, et se tournant vers Théodose, il lui dit que c’était bien assez de lui rendre ses respects sans les rendre à Arcade. Théodose irrité le chassa de sa présence. « Prince, lui dit l’évêque, vous voyez que vous ne pouvez souffrir l’injure que l’on fait à votre fils : ne doutez pas que Dieu ne condamne de même ceux qui blasphèment son Fils unique en ne lui rendant pas les mêmes honneurs qu’à lui, et qu’il ne les haïsse comme des ingrats à leur Sauveur et à leur bienfaiteur[1]. »

Saint Amphiloque triompha par cet apologue ; et l’empereur rendit contre les ariens un édit terrible[2]. L’Église orthodoxe retentit d’acclamations.

Ainsi Théodose, qui n’était ni évêque, ni prêtre, ni théologien, ordonnait à l’Église de croire à la consubstantialité du Père et du Fils ; il punissait ceux qui ne voulaient admettre que l’égalité et non l’unicité des substances ; et l’Église le trouvait bon. Elle acceptait ce secours, sans chercher s’il était légitime, sans se demander ce que cette loi et cette sévérité prouvaient en faveur d’une doctrine inintelligible aux plus savants, et sans s’inquiéter de ce qui arriverait le lendemain, si Théodose avait pour suc-

  1. Sozom., liv. VII, c. VI.
  2. Théodose défendit aux hérétiques, par une loi de mai 381, de disposer de leurs biens par donation entre-vifs ou par testaments ; attribua le bénéfice des successions aux parents catholiques, s’il y en avait, et, à défaut, prononça la confiscation des biens. Le tout sans préjudice des sentences portées contre les personnes.