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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/61

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sion spirituelle, étaient prêts à s’unir pour la défendre contre celui d’entre eux qui serait tenté de l’opprimer. Elle-même s’était fortifiée, en restant seule debout pendant que tout s’écroulait. Sa hiérarchie, à la fois si simple et si savante, la rendait en quelque sorte immuable. Même à la considérer humainement, elle était la seule institution qui donnât l’idée de l’éternité. Il ne se pouvait pas que ce grand corps, uni par une solidarité si parfaite, n’eût pas des intérêts mondains à côté de sa mission spirituelle. La ferveur des convertis et des pénitents s’était signalée par des donations et des privilèges qui se transmettaient invariablement dans cette immense et impérissable famille du corps sacerdotal. En un mot, le clergé n’était plus seulement, à ses propres yeux, l’Église de Dieu ; il était un corps politique, et, comme tel, il avait des biens et des privilèges à défendre.

Il en vint même, par une conséquence assez naturelle, à considérer ses privilèges comme plus légitimes que tous les autres, et sa puissance spirituelle comme la source et la maîtresse de toute autorité temporelle. Le pape, devenu roi par une concession purement gratuite, se crut le maître des rois. N’était-il pas le représentant de Dieu sur la terre, le vicaire de Jésus-Christ ? Et les rois ne prétendaient-ils pas tenir leur couronne de Dieu seul ? N’en résultait-il pas pour les papes le droit de faire et de déposer des rois au nom de Dieu, ce qui impliquait à fortiori le droit de diriger les rois dans leur politique et dans le gouvernement des empires ? Ces prétentions de la cour de Rome furent acceptées plusieurs fois par des souverains, qui se reconnurent ses vassaux ; elles furent invoquées par des conquérants qui lui demandèrent l’investiture, et par des peuples qui en appelèrent au pape contre leur roi légitime. Elles ne cessèrent de se manifester, dans les grandes affaires et dans les petites, par la conduite des légats et des évêques. Plusieurs papes la proclamèrent hautement ; de nombreux théologiens la défendirent. Elles furent, chez les jé-