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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/62

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suites, une opinion acceptée comme un dogme. En France, sous Henri III et Henri IV, les ligueurs la soutinrent dans des sermons, dans des pamphlets et dans des traités dogmatiques[1]. On peut dire que la doctrine absurde du droit divin, sur laquelle tous les rois s’appuyaient, avait pour conséquence nécessaire, indiscutable, la théocratie. Les rois qui, pour se défendre contre les peuples, invoquaient le droit divin, se défendaient contre le pape par leurs armées, ultima ratio regum. Cette contradiction éclata dans toute sa force quand des rois couronnés ou sacrés, régnant par la grâce de Dieu, firent emprisonner ou déposer le vicaire de Jésus-Christ, Si le droit divin était autre chose qu’une odieuse et inepte chimère et si le sacre donnait quelque force nouvelle aux droits de la royauté, le pape était au-dessus des rois, et les rois, en persécutant les papes, ou même en leur désobéissant, n’étaient plus que des révoltés. On ne pouvait choisir qu’entre deux partis : ou renoncer au droit divin, fonder le pouvoir politique sur le droit, c’est-à-dire sur la volonté nationale, en un mot, substituer la raison à l’autorité et à la tradition, ou se soumettre à toutes les prétentions de la papauté, qui seule était logique, qui opposait le droit à la force, la tradition à la raison, et Dieu aux hommes. Les efforts qui furent tentés au nom des rois pour diviser le pouvoir papal, et le borner aux choses spirituelles, en gardant pour eux l’omnipotence sur les affaires temporelles, n’aboutirent jamais qu’à des sophismes. Invoquait-on seulement l’histoire ? Les rois avaient raison contre les papes, dont le pouvoir, en fait, n’était qu’une série d’usurpations. Mais si on invoquait le raisonnement, le pouvoir papal triomphait, et les rois par la grâce de Dieu devaient se soumettre humblement au

  1. « Le pape ou ses représentants peuvent abroger les lois, changer les constitutions, pourvu qu’ils délient les peuples du serment d’obéissance et qu’ils avisent à confier à un gardien plus sûr le troupeau humain sauvé par le Christ. » De justâ abdicatione Henrici tertii, par Boucher ; sp. Ch. Labitte, les Prédicateurs de la Ligue, p. 91 sqq.