Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/65

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et son influence temporelle solidement établies, il ne songea plus qu’à se maintenir. Attentif au moindre bruit pour l’étouffer, on eût dit qu’il voulait seul élever la voix dans l’univers soumis et silencieux. De la doctrine chrétienne, ses prétentions s’étaient étendues à la politique, à l’ordre social, aux lettres, à la science. Sacrés et protégés par lui, les souverains n’hésitaient pas à exécuter ses décrets. Ils croyaient obéir à Dieu, en obéissant aux prêtres. Ils comprenaient confusément que l’Église leur donnait les âmes de ceux dont, sans ce secours, ils n’auraient possédé que les corps[1].

C’était, même au moyen âge, une tâche difficile, que d’enchaîner ainsi la pensée. Ces barbares étaient des hommes pourtant ; ils avaient toutes les passions et toutes les aspirations de l’homme. Il y a eu, n’en doutons pas, bien

  1. Le quatrième concile de Latran dura depuis le 11 novembre jusqu’au 30 novembre 1215. Le troisième canon du concile est ainsi conçu : « Les hérétiques condamnés seront abandonnés aux puissances séculières pour recevoir la punition convenable, les clercs étant auparavant dégradés. Les biens des laïques seront confisqués, et ceux des clercs appliqués aux églises dont ils recevaient leurs rétributions. Ceux qui seront seulement suspects d’hérésie, s’ils ne se justifient pas par une purgation convenable, seront excommuniés, et s’ils demeurent un an en cet état, condamnés comme hérétiques. Les puissances séculières seront averties, et, s’il est besoin, contraintes par censure, de prêter serment publiquement qu’elles chasseront de leurs terres tous les hérétiques notés par l’Église. Que si le seigneur temporel, étant admonesté, néglige d’en purger sa terre, il sera excommunié, et s’il ne satisfait dans l’an, on en avertira le pape, afin qu’il déclare ses vassaux absous du serment de fidélité, et qu'il expose sa terre à la conquête des catholiques pour la posséder paisiblement après en avoir chassé les hérétiques.
     « Nous excommunions aussi les croyants des hérétiques, leurs receleurs et leurs fauteurs ; en sorte que, s’ils ne satisfont dans l’an depuis qu’ils auront été notés, dès lors ils seront infâmes de plein droit, et comme tels exclus de tous offices ou conseils publics, d’élire les officiers, porter témoignage, faire testament ou recevoir une succession. Personne ne sera obligé de leur répondre en justice, et ils répondront aux autres. Si c’est un juge, sa sentence sera nulle, et on ne portera point de causes à son audience ; s’il est avocat, il ne sera pas admis à plaider ; s’il est tabellion, les actes dressés par lui seront nuls, et ainsi du reste… Les clercs ne leur donneront ni les sacrements, ni la sépulture ecclésias-