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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/77

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une Église ! Il faut savoir distinguer la doctrine et l’organisation spirituelle, qui persistent depuis tant de siècles, du clergé du moyen âge, poussé peut-être à la cruauté par l’opinion publique, composé d’hommes faillibles comme nous le sommes tous, et dont l’esprit était aveuglé par des intérêts purement mondains et par les maximes de leur temps. Je suis si loin de penser à exagérer les faits ou à en forcer les conséquences, que toute cette histoire m’opprime, et que je la parcours avec une profonde douleur, comme on traverse un champ de bataille, quand les armées s’en sont retirées n’y laissant plus que des cadavres ; et pourtant, comment ne pas prononcer encore le nom de Wiclef[1] et celui de Jean Huss ? Il y avait vingt-huit ans que Wiclef était mort[2], quand le concile de Constance, dans sa huitième et sa quinzième sessions, ordonna de déterrer ses os et de les jeter à la voirie. Ce ne fut qu’en 1428 que cette exhumation sacrilège eut lieu, par les ordres d’un évêque. Les os furent brûlés, les cendres jetées dans le ruisseau. Jean Huss répandait alors dans toute l’Allemagne les doctrines de Wiclef. Le concile de Constance condamna les simples hérétiques au supplice du feu, jusque-là réservé aux relaps[3]. Jean Huss fut lui-même une des premières victimes. « La guerre des Hussites fut allumée par le bûcher qui le consuma, dit un écrivain catholique, par les rigueurs des légats, par le sang qu’ils répandirent. Elle attira sur la Bohême tous les fléaux de la colère de Dieu ; elle fit de ce royaume et d’une partie de l’Allemagne un désert inondé de sang humain, et couvert de cen-

  1. Wiclef était un moine anglais du quatorzième siècle, qui attaqua les richesses du clergé, et surtout de la cour de Rome, dont il combattit énergiquement la puissance, même en matière spirituelle.
  2. Il mourut en 1387.
  3. « Tanquàm hæretici relapsi, lapsi puniantur ad ignem. » Séance 44e du concile de Constance, présidée par Martin V, art. 23. — Voyez un article de M. A. Muntz, intitulé : Doctrine de l’Église romaine sur la conduite a tenir envers les relaps repentants, inséré dans les Archives du christianisme, 12 août 1854.