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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/80

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volte. Il brûla à Wurtemberg la bulle du pape qui le condamnait. Ce fut en vain que l’Église appela tous les princes à son secours, et que l’Empereur mit hors la loi ce moine révolté qui ne croyait pas à la sainteté du trafic des indulgences. Luther brava le pouvoir temporel comme il avait bravé le pouvoir spirituel ; il organisa son Église, conquit des princes à sa cause, les acheta quelquefois (il acheta le landgrave en lui permettant d’avoir deux femmes), vit le nombre de ses adhérents croître au delà de ses espérances, et put se dire en mourant qu’il avait vaincu trois papes, dont l’un était Léon X, un empereur, qui était Charles-Quint, un roi de France, qui était François Ier.

Le 10 juin 1525, pendant la captivité de François Ier, parurent des lettres patentes de la reine Louise, sa mère, régente du royaume, rendant exécutoire en France une bulle de Clément VII, dont voici le sens général. Comme l’Église s’attribuait le droit de juger seule les hérétiques[1], le pape s’adressait à des conseillers du parlement et autres bons et notables personnages, et les nommait commissaires pour faire le procès aux protestants, avec ou sans le concours des ordinaires et de l’inquisiteur de la foi, adhibitis, sîcut vobis videbitur, locorum ordinariis et inquisitore hæreticæ pravitatis in regnoisto existente ; il leur conférait le pouvoir de prendre les mesures nécessaires à l’extirpation de l’hérésie, et même, s’il le fallait,

  1. Il s’éleva des difficultés malgré la bulle. Pour y obvier, Henri II publia le 19 novembre 1549 une ordonnance portant attribution aux juges d’église des accusations d’hérésie dirigées contre les protestants, et aux juges ordinaires et d’église conjointement des causes où l’hérésie et quelque crime public se trouvaient réunis. François Ier, en 1544, avait fait un édit analogue « portant que les prélats et juges laïcs de ce royaume connoitroient par concurrence des cas et crimes d’hérésie, afin que les dits délinquants se cuidans sauvez des mains de l’un desdits juges, fust lay ou d’église, ils ne pussent éviter de tomber en celles de l’autre dont ils ne se douteroient pas, pour en faire la punition et correction exemplaire. »