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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/87

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roi, ni le martyre de du Bourg, que je veux signaler dans cette séance : c’est le discours du premier président Le Maître : « Il déclama fort contre les sectaires, dit de Thou. Il apporta l’exemple des Albigeois, dont six cents furent brûlés en un jour par les ordres de Philippe-Auguste, et celui des Vaudois, dont une partie périt par le feu dans leurs maisons, et le reste fut étouffé par la fumée dans des cavernes et des carrières où ils étaient cachés[1]. » Voilà ce que le premier président du Parlement disait en face à Henri II, comme pour l’exhorter au carnage.

C’est qu’il faut bien le dire, à cette époque de l’histoire, l’intolérance et même la persécution étaient populaires. N’est-ce pas sous François II que le peuple des villes inventa de placer des statues de saints au coin des rues, de les entourer de cierges, de disposer au-dessous un tronc pour recevoir les offrandes, et d’aposter près de ces chapelles improvisées des valets et des porteurs d’eau qui chantaient des cantiques, parodiaient les cérémonies de l’Église, et obligeaient les passants à payer, à saluer, à chanter, sous peine d’être déclarés protestants, traînés dans le ruisseau, roués de coups, jetés en prison, quelquefois même assassinés ? Traqués par le peuple et par le pouvoir, les religionnaires prenaient la fuite : ils quittaient Paris, devenu pour eux inhabitable, abandonnant leurs maisons et leurs affaires ; mais alors on vendait leurs biens à l’encan. « Tout Paris retentissait de la voix des huissiers, qui proclamaient des meubles ou appelaient à ban des fugitifs. On ne voyait partout que des écriteaux sur des maisons vacantes, où étaient restés encore dans quelques-unes de jeunes enfants que la faiblesse de leur âge n’avait pas permis aux pères et aux mères d’emmener avec eux, et qui remplissaient les rues et les places de leurs cris et de leurs gémissements, spectacle qui tirait

  1. De Thou, liv. XXII.