Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des larmes des yeux même des ennemis les plus déclarés des protestants[1]. »

Je ne veux pas parler des vengeances qui suivirent la conspiration d’Amboise, de ces protestants pendus aux créneaux ou noyés, pour ne pas faire couler trop de sang sous les yeux du peuple, ou suppliciés durant le jour sans que le bourreau même sût leur nom. « La Loire était couverte de cadavres, le sang ruisselait dans les rues, les places étaient remplies de corps attachés à des potences[2]. » Le massacre de Vassy signala les commencements du règne de Charles IX. Le duc de Guise se rendait de Joinville à Esclaron avec ses hommes d’armes. En passant à Vassy, il apprend qu’on y tenait le prêche. Il y avait là deux cents protestants, réunis dans une grange, pour prier Dieu et entendre un de leurs ministres. Les hommes d’armes trouvent la porte ouverte, entrent dans la grange. « Approchez, messieurs, prenez place, disent les fidèles. » Mais les gens du duc de Guise s’écrient : « Par la mort Dieu, il faut tout tuer. » Alors entra le duc, suivi de sa troupe, tirant force coups de pistolet dans l’épaisseur du peuple, et chassant dehors, à coups de coutelas, cimeterres et épées, hommes, femmes, petits enfants. Douze d’entre eux restèrent sur le carreau. Un grand nombre succombèrent le lendemain à leurs blessures. On les poursuivit

  1. De Thou, liv. XXIII. — Aux États de 1576, les orateurs des trois ordres « conclurent à ce qu’il plût au roi ne permettre en son royaume autre exercice de la religion que celle de la catholique. » L’Estoile, ann. 1577 (coll. Michaud, t. Ier, 2e série, p. 81.)
  2. De Thou, liv.  XXIV. Les protestants prirent les armes dans plusieurs villes ; mais ils furent massacrés. Maugiron se signala à Valence et à Montélimart. Il promit amnistie si on mettait bas les armes ; on le crut : alors il livra la ville au pillage. « Truchon, magistrat prudent et modéré, dit de Thou (liv. XXV), fut d’avis de faire une prompte justice des plus coupables, afin d’ôter à Maugiron et a ceux de sa sorte toute occasion de piller… Deux ministres furent condamnés au dernier supplice comme chefs de la sédition et de la révolte, ainsi que marquait l’inscription qu’on leur mit sur la tête. Le conseiller Laubespin fut d’avis qu’ils eussent un linge sur la bouche, afin qu’ils ne pussent haranguer le peuple… »