Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/92

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liers. En même temps toutes les maisons vomissent des hordes de bourgeois armés de pistolets, de piques, de poignards, les manches retroussées et deux mouchoirs blancs attachés en croix sur leurs chapeaux. Leurs quarteniers sont à leur tête. Les portes des seigneurs huguenots sont enfoncées ; la foule des assassins inonde les cours, s’engouffre dans les escaliers, massacre les femmes, les enfants et les vieillards. Les cadavres sont abandonnés dans les salles, pendant que les assassins ouvrent les coffres et remplissent leurs poches d’argent et de pierreries ; quelques-uns, plus féroces, jettent les cadavres par les fenêtres, pour que leurs compagnons repaissent leurs yeux de ce spectacle. On foule ces tristes restes aux pieds des chevaux, on les traîne dans la fange, on les lance dans la Seine. Des pillards suivaient les massacreurs et prenaient aux morts leurs vêtements et jusqu’à leurs chaussures.

Au bruit du tocsin, des trompettes, des cris des assassins et des mourants, tout Paris s’éveille ; les huguenots se cachent ou essayent de fuir. On les voit courant par bandes le long des rues ou sur les bords de la Seine, poursuivis par les assassins. Montgomery s’échappe en faisant soixante-six lieues sans s’arrêter. La plupart sont massacrés dans leur fuite comme un troupeau de bêtes fauves sur lequel s’acharnent les chiens et les chasseurs. Des coups d’arquebuse partent des fenêtres. Tout Paris est à feu et à sang. On ne marche que sur des cadavres. C’est par centaines que le fleuve les charrie. Un grand nombre de catholiques périrent avec les huguenots : les uns par erreur, d’autres sacrifiés à la vengeance ou à la cupidité. En passant devant les maisons, les chefs demandaient :

« Qui demeure là ? » Le catholique qui n’aurait pas dénoncé son hôte aurait péri avec lui. Il fallait, selon le mot du roi, qu’il n’en restât pas un pour demander vengeance. La plupart des apologistes du massacre insistent pour leur défense sur cette résolution de tout tuer :