Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/94

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nant fort grand plaisir de voir passer sous ses fenêtres par larivière plus de quatre mille corps se noyant ou tués… Il fut plus ardent que tous au massacre, si bien que lorsque le jeu se jouait et qu’il fut jour, et qu’il mit la tête à la fenêtre de sa chambre, et qu’il voyait aucuns dans le faubourg Saint-Germain qui se remuaient et se sauvaient, il prit une grande arquebuse de chasse qu’il avait et en tira tout plein de coups à eux, mais en vain, car l’arquebuse ne tirait pas si loin. Incessamment criait : « Tuez ! tuez ! » et n’en voulut jamais sauver aucun, sinon Ambroise Paré, son chirurgien. »

Coligny était la principale victime désignée. Il entend le bruit, comprend le danger, fait ses prières, et pendant qu’on brise les portes force ses gens à pourvoir à leur sûreté. Besme entra le premier dans la chambre, l’épée à la main. Il n’y avait plus là que l’amiral qu’il ne connaissait pas. Il lui dit : « Est-ce toi qui es Coligny ? — C’est moi-même, répond l’amiral d’un air tranquille ; » et il ajouta : « Jeune homme, tu devrais respecter mes cheveux blancs ; mais fais ce que tu voudras, tu n’abrèges ma vie que de peu de jours. » Pour toute réponse, Besme lui enfonce son épée dans le corps, la retire pour lui en donner à travers le visage et le défigure entièrement. Guise, resté dans la cour, criait de là : « Est-ce fini ? » Besme répondit que oui. « M. d’Angoulême, reprit Guise, ne le croira point, s’il ne le voit à ses pieds. » En même temps on le jeta par la fenêtre, non sans peine, car l’amiral était grand et pesant, et il fallut s’y prendre à plusieurs. Le bâtard, pour se bien convaincre, essuya avec un linge le sang dont le visage était couvert et donna plusieurs coups de pied au cadavre. Puis il sortit avec son cortège en disant : « Allons, camarades, à notre ouvrage ! Le roi l’ordonne ! » On mutila le corps qui fut traîné dans une écurie voisine où la tête fut séparée du tronc pour être envoyée au pape, suivant les uns, et suivant d’autres au roi d’Espagne. Ce fut là la besogne d’une nuit ; mais le massacre dura cinq jours et