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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/95

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s’étendit à toute la France. On dit que cent mille hommes périrent. Le chiffre est incertain et importe peu. Dans Paris, il fallut recourir à la force pour faire cesser le meurtre et le pillage. Le maréchal de Tavannes en eut la charge avec ses archers, et il partagea pour cet effet les quartiers de la ville à divers seigneurs, qui mirent fin à la curée, non sans peine.

Le soir de la Saint-Barthélemy, la reine-mère, « pour se rafraîchir un peu et se donner plaisir, » dit l’Estoile, sortit du Louvre avec ses dames et demoiselles pour voir les corps morts des huguenots qu’on avait tués, et entr’autres, elle voulut voir le corps mort de Soubise qu’elle connaissait. Le lendemain, vers midi, on vit une aubépine en fleurs au charnier des Innocents. Le bruit s’en répandit par toute la ville ; le peuple accourut de toutes parts en si grande foule qu’il fallut poser des gardes à l’entour. Les cloches sonnèrent à grande volée, pour annoncer le miracle, et la tuerie recommença de plus belle. Une foule compacte se porta au logis de l’amiral, entra dans cette écurie où son corps, séparé de la tête, baignait dans le sang, s’acharna de nouveau sur le cadavre et le mutila affreusement avant de le traîner à la voirie. Il n’y demeura que deux jours. Le 27, malgré les vacances du parlement, on assembla des conseillers, qui condamnèrent Coligny, déjà mort et mis en pièces, à être traîné sur la claie et pendu à un gibet en place de Grève, et porté de là aux fourches de Montfaucon. L’exécution se fit aux flambeaux ; Briquemont et Chavagnes, condamnés par le même arrêt, furent traînés, eux vivants, sur la même claie, pendus au même gibet. Le roi assistait à l’exécution. Quelques jours après, comme si rien n’eût pu le rassasier, il alla à Montfaucon, où ce qui restait du corps de l’amiral était attaché à une traverse avec une chaîne de fer. Ses courtisans se bouchaient le nez, à cause de l’horrible puanteur. « Mais il les reprit et leur dit : — Je ne le bouche comme vous autres ; car l’odeur de son ennemi est très-bonne. »