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Page:Kahn - Premiers Poèmes, 1897.djvu/295

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Pourrai-je répondre : les passants
passaient si nombreux devant mes prunelles
battements d’ailes sur la nuit
que j’ai laissé mourir l’heure à voir passer
des turbans et des robes et des bâtons brisés

Les paroles des chansons sourdies des rues lointaines étaient si tendres
Que j’ai laissé mourir mon frère à les entendre,
Les paroles des chansons lointaines si indistinctes
que j’ai tari le fleuve de vivre à les attendre
plus proches et plus prêtes pour comprendre
leur charme lent, leur charme doux, leur charme triste
et pour savoir
de quelle Ève astrale et surnaturelle
de quels anges aux paroles en albes ailes
ces chansons furent le miroir

Ô ponts du ciel, je sais vos arches bâties d’attentes brisées
mais mon âme à l’heure où ses serviteurs
trop longtemps debout pour la garde et le combat
en un soir rêveront le dernier rêve
« c’était trop bref, ce fut trop long »
l’âme dira : qu’as-tu fait de tes serviteurs
où est ta droite, et l’épée de ta droite