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Page:Kann - Journal d'un correspondant de guerre en Extrême-Orient.djvu/114

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ne sait pas comment passer le temps, on répand le bruit que le Varyag a bougé. Mais, le lendemain, il faut déchanter, et l’émule d’Isabelle voit encore s’éloigner l’heure de la délivrance. On commence à rire de ces atermoiements continuels ; un correspondant militaire, facétieux autant que désappointé par sa longue incarcération à Tokio, a prédit que le Varyag se dresserait sur les flots le jour où les journalistes étrangers seraient envoyés à l’armée.

Du mouillage au quai de Tchémoulpo, il y a une heure de navigation à la godille dans un sampan infect, cahoté par les gestes indolents de trois grands diables coréens, paresseux et sales. Le trajet conduit le voyageur entre la cheminée noire et blanche du Soungari et le tuyau jaune du Koréets ; l’embarcation échoue plusieurs fois sur les bancs de boue, se fraye difficilement un passage à travers les flottilles de bateaux de pêche ; puis, après avoir sauté d’une barque à l’autre pendant quelques minutes, le voyageur met enfn pied à terre. Ici du moins, le parcours n’est pas long, car à quelques mètres seulement de la jetée se dressent les solives mal équarries qui constituent la gare de Tchémoulpo. Personnel japonais, matériel américain. Le train roule à travers un paysage bien différent de la nature fragmentée dont nous avions pris l’habitude au Japon. Au lieu des petits vallons, séparés comme autant de compartiments par les