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Page:Kann - Journal d'un correspondant de guerre en Extrême-Orient.djvu/189

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courte. La colonne partit, insouciante, sous un joli soleil légèrement voilé. À mi-chemin, on fit halte pour déjeuner ; notre repas fut interrompu par les charretiers. Ils firent signe qu’ils allaient partir tout de suite et rattelaient fiévreusement leurs bêtes ; puis ils se dévêtirent complètement, attachèrent leurs vêtements aux voitures et se mirent en route. Nous les suivions en cherchant vainement la raison de cette panique ; les uns parlaient d’un ordre reçu, d’autres d’une grève, d’autres encore de l’apparition de Houngouzes dans le voisinage. La vérité, plus simple et plus terrible, se manifesta soudain. De gros nuages noirs s’approchaient rapidement ; arrivés au-dessus de nous, ils crevèrent avec accompagnement d’éclairs et de tonnerre, et l’orage se déchaîna. Ce ne fut pas de la pluie ni une giboulée, ni une ondée, ni une averse, ni un déluge. Les nappes d’eau se précipitaient sur nous, se renouvelant sans cesse, venant de droite, de gauche, nous cinglant le visage par devant, nous entrant dans le cou par derrière, rejaillissant de terre pour inonder les yeux de ceux qui baissaient la tête. On ne voyait rien, on n’entendait plus que faiblement les plaintes des animaux et les jurons des conducteurs. Tout le monde dégringola en hâte des voitures et se mit à pousser aux roues comme les soldats de la République sur les gravures représentant le passage du