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Page:Kann - Journal d'un correspondant de guerre en Extrême-Orient.djvu/193

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velle déception m’attendait. Je ne trouvai aucune trace du passage de mes camarades. Je me rendis directement au bureau des étapes, mon permis à la main. Les deux officiers qui s’y trouvaient me regardèrent avec stupeur d’abord, puis furent saisis d’un rire inextinguible que ma triste mine ne justifiait que trop. Ce ne fut qu’après quelques minutes qu’ils revinrent à eux. Ils m’exprimèrent leurs regrets de ma mésaventure et m’annoncèrent que nous devions loger à la ville chinoise située à quelques kilomètres plus à l’est. J’étais consterné, car je n’avais aucun moyen de m’y rendre. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, je me préparais à passer la nuit dans un des locaux voisins, lorsque je m’entendis appeler par mon nom. Je reconnus avec joie le boy de mon collègue du Times, perdu comme moi et ne sachant où retrouver son maître dont il accompagnait le chariot. Je me plaçai à ses côtés, sur les malles, et mon calvaire recommença. La pluie avait cessé, mais les routes étaient absolument impraticables ; nous n’eûmes d’autre ressource que de nous engager dans le lit d’un ruisseau. Un courant très vif s’opposait à notre marche, l’eau montait jusqu’au moyeu et nous obligeait à un bain de pieds prolongé. Mon compagnon se consolait en récitant des tirades de Shakespeare. L’infortune soufferte en commun nous rapprochait. Comme je m’étonnais de son érudition,