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Page:Kant-Critique de la raison pratique, trad. Barni, 1848.djvu/264

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DES MOBILES DE LA RAISON PURE PRATIQUE


plus nous lasser d’admirer la majesté de la loi morale, et que notre âme croit s’élever elle-même d’autant plus qu’elle voit cette sainte loi plus élevée au-dessus d’elle et de sa fragile nature. De grands talents, joints à une activité non moins grande, peuvent il est vrai produire aussi du respect, ou un sentiment analogue ; cela est même tout à fait convenable, et il semble que l’admiration soit ici identique avec ce sentiment. Mais, en y regardant de plus près, on remarquera que, comme il est toujours impossible de faire exactement dans l’habileté la part des dispositions naturelles et celle de la culture ou de l’activité personnelle, la raison nous la présente comme le fruit probable de la culture, et, par conséquent, comme un mérite qui rabaisse singulièrement notre présomption, et devient pour nous un reproche vivant, ou un exemple à suivre, autant qu’il est en nous. Ce n’est donc pas simplement de l’admiration que ce respect que nous montrons à un homme de talent (et qui s’adresse véritablement à la loi que son exemple nous rappelle). Et ce qui le prouve encore, c’est qu’aussitôt que le commun des admirateurs se croit renseigné sur la méchanceté du caractère d’un homme de cette sorte (comme Voltaire, par exemple), il renonce à tout sentiment de respect pour sa personne, tandis que celui qui est véritablement instruit continue toujours à éprouver ce sentiment, au moins pour le talent de cet homme, parce qu’il est engagé dans une œuvre et suit une vocation qui lui fait en quelque sorte un devoir d’imiter l’exemple qu’il a devant les yeux.