Aller au contenu

Page:Kant - Critique de la raison pratique (trad. Picavet).djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tout avantage, telle que la présente à notre obéissance la raison pratique, dont la voix fait trembler même le criminel le plus hardi et l’oblige à se cacher à son aspect (vor seinem Anblicke)1 , de sorte qu’on ne doit pas s’étonner de trouver impénétrable, pour la raison spéculative, l’influence d’une idée simplement intellectuelle sur le sentiment et d’être obligé de se contenter si l’on peut encore à priori si bien voir (einsehen) qu’un tel sentiment est inséparablement lié à la représentation de la loi morale dans tout être raisonnable et fini. Si ce sentiment du respect était pathologique et par conséquent un sentiment du plaisir fondé sur le sens interne, il serait inutile de chercher à découvrir une liaison de ce sentiment avec quelque idée à priori. Mais c’est un sentiment qui a simplement rapport à la pratique et dépend de la représentation d’une loi, exclusivement d’après sa forme et non à cause d’un objet quelconque de cette loi, partant il ne peut être rapporté ni au plaisir ni à la douleur, et cependant il produit par l’obéissance à la loi un intérêt que nous nommons moral ; de même que la capacité (Fähigkeit)2 de prendre un tel intérêt à la loi (ou le respect pour la loi morale même), est proprement le sentiment moral.

La conscience d’une libre soumission de la volonté à la loi, unie cependant à une coercition (Zwang) inévitable qui est exercée sur tous les penchants, mais seulement par notre propre raison, est donc le respect


1 Nous traduisons littéralement. L’image est singulière : il s’agit de la raison pratique dont la voix peut bien faire trembler ; mais dont on ne sait trop comment fuir l’aspect. (F. P.)

2 Nous traduisons ainsi ce mot avec Abbot, et non par faculté, comme Barni et Born. (F. P.)