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Page:Kant - Critique de la raison pratique (trad. Picavet).djvu/21

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COMMENT FAUT-IL ÉTUDIER LA MORALE DE KANT ?


tance qu’il attache à la philosophie médiévale en lisant les Essais de Théodicée où, en soulevant les questions qu’elle a traitées, il cite — avec saint Augustin, Luther et Calvin, avec Hobbes, Spinoza, Descartes et Bayle, — Marcianus Capella, Boèce et Cassiodore, Bède et Alcuin, Jean Scot, Gottschalk, saint Anselme et Abélard, saint Bernard et Gilbert de la Porrée, Averroès et Maimonide, saint Thomas, saint Bonaventure, Duns Scot, Gerson, etc., et qu’il termine par un « Abrégé de la controverse réduite à des arguments en forme».

Le successeur de Leibnitz, Wolf, systématisa, à la façon des mathématiciens ou plus exactement des scolastiques péripatéticiens, les connaissances qui lui avaient été transmises. Et chose curieuse, les piétistes qui ne voulaient plus de la théologie scolastique, conservent une partie des idées et toutes les formules ou les modes d’argumentation de l’École ! Tandis qu’en France, les philosophes eux-mêmes sont de l’avis de M. Jourdain sur les universaux, les catégories et les figures, Kant estime que nous ne pouvons penser que grâce aux formes à priori de la sensibilité, aux catégories «le l’entendement (p. 247) ; il donne une idée, une doctrine élémentaire, une analytique, une dialectique, une méthodologie de la raison pratique ; il a des définitions, des scolies, des théorèmes, des corollaires, des problèmes et des postulats ; il dresse des tables de principes pratiques de détermination, des catégories de la liberté par rapport aux concepts du bien et du mal ; il distingue les catégories en mathématiques et en dynamiques (p. 188) et trouve fort utile, pour la théologie et la morale, la pénible déduction des catégories (p. 256).

En résumé, Kant a connu les doctrines philosophiques et scientifiques de son temps et elles ont contribué à former son esprit. Mais surtout chrétien, luthérien et piétiste, il a employé toutes les ressources d’une originalité puissante, qui éclate dans l’une et l’autre Critiques et qui s’enveloppe sous des formes scolastiques, à conserver et à justifier les croyances, capitales pour lui et les siens, à la liberté, à l’existence de Dieu et à l’immortalité de l’âme.


III


Pour se préparer à comprendre, dans son fond et dans sa forme, la morale de Kant, il est donc nécessaire de lire les Évangiles et les interprétations qu’en ont données les luthériens et les piétistes, ses prédécesseurs allemands ; Leibnitz, surtout les Essais de Théodicée, et Wolf ; quelques ouvrages de scolastique antérieurs à la