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Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/153

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DE LA VICTOIRE DU BON PRINCIPE SUR LE MAUVAIS


VI. — La croyance ecclésiastique a pour interprète suprême la croyance religieuse pure.


Bien qu’une Église, avons-nous remarqué, soit dépourvue du plus important caractère qui en montre la vérité, c’est-à-dire d’un droit bien établi à l’universalité, quand elle est fondée sur une croyance révélée qui, en sa qualité de croyance historique (malgré la diffusion dans l’espace que l’Écriture lui procure en même temps qu’elle en garantit la transmission à la plus lointaine postérité), ne saurait se communiquer universellement de façon convaincante ; il n’en est pas moins vrai qu’à cause du besoin naturel à tout homme de réclamer toujours quelque support sensible, quelque confirmation empirique, etc., pour les concepts et les principes rationnels les plus élevés (besoin dont il faut tenir compte quand on vise à l’introduction d’une croyance universelle) on doit utiliser une croyance ecclésiastique historique, qu’on trouve au reste ordinairement sous sa main.

Or, pour concilier cette foi empirique que le hasard apparemment a faite nôtre avec les principes d’une foi morale (peu importe d’ailleurs qu’on la prenne pour fin ou seulement comme moyen), il faut interpréter la révélation qui nous est donnée, c’est-à-dire lui trouver d’un bout à l’autre un sens qui s’accommode aux règles pratiques universelles d’une religion rationnelle pure. Le côté théorique d’une foi d’Église, en effet, ne saurait moralement nous intéresser s’il n’exerce aucune influence sur l’accomplissement de tous les devoirs des hommes envisagés comme prescrits par des commandements divins (chose qui est l’essence de toute religion). Bien que souvent cette interprétation puisse, à l’égard du texte (de la révélation), nous paraître forcée et l’être du reste effectivement, il suffit


Kant. — Religion. 9