Aller au contenu

Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
162
LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

sublime du règne de Dieu sur la terre, c’est-à-dire la dignité qu’il y a à faire partie, comme citoyens, d’un État divin ; et il leur a donné les indications nécessaires sur ce qu’ils devaient faire non seulement pour arriver eux-mêmes à ce royaume, mais encore pour s’y réunir avec d’autres hommes animés des mêmes sentiments et, si c’est possible, avec tout le genre humain. Quant au bonheur, qui est l’autre partie des vœux que forment inévitablement les hommes, il les avertissait de ne pas y compter dans cette vie terrestre. Il les préparait, par contre, à s’attendre aux plus grandes tribulations ainsi qu’aux plus grands sacrifices, ajoutant toutefois (parce qu’un entier renoncement à l’élément physique du bonheur ne saurait être demandé à un homme, tant qu’il existe) : « Réjouissez-vous et consolez-vous, tout cela vous sera payé au centuple au ciel. » Or, le complément ajouté, comme il a été dit, à l’histoire de l’Église, complément qui a pour objet la destinée future et dernière de cette Église, nous la représente enfin comme triomphante, c’est-à-dire comme ayant vaincu tous les obstacles et comme couronnée de bonheur même sur la terre. ― La séparation des bons d’avec les méchants, qui, tant que l’Église s’avance vers sa perfection, n’aurait pas été compatible avec la fin par elle poursuivie (puisque le mélange des uns aux autres était nécessaire précisément soit pour servir à mettre la vertu des bons à l’épreuve, soit pour retirer les méchants du mal par l’exemple des gens de bien), nous est représentée comme l’ultime conséquence de la fondation complète de l’État divin ; à cela vient encore s’ajouter la dernière preuve de la stabilité de cet État, regardé comme une puissance, je veux dire sa victoire sur les ennemis extérieurs, qui eux aussi sont pareillement regardés comme étant membres d’un État (l’État infernal), victoire qui met fin à toute la vie d’ici-bas, puisque « le dernier ennemi (des hommes de bien), la mort, est vaincu » et que, des deux côtés, pour le salut des uns et pour la damnation des autres, commence l’immor-